La lutte contre le changement climatique constitue un enjeu majeur du XXIe siècle. Les recommandations scientifiques, notamment publiées par le GIEP (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) mettent en avant la nécessité de limiter la hausse moyenne des températures sous la barre des 2°C d’ici la fin du siècle (soit 942 mois), sous peine de ne pas en maîtriser les conséquences.

Si chaque individu a un rôle à jouer dans cette démarche, qu’en est-il des entreprises ? Comment peuvent-elles également s’engager ? Plus qu’un exposé sur le changement climatique, nos experts vous proposent d’explorer les risques liés à ce phénomène, et les solutions possibles pour relever ce défi.

Un défi majeur

Le changement climatique est une évolution du climat liée à une augmentation de la concentration de gaz à effet de serre au niveau de l’atmosphère. L’évolution du climat est étroitement liée à l’évolution de notre planète Terre, ce n’est pas un phénomène nouveau. L’enjeu n’est donc pas le réchauffement en soi mais bien la rapidité de ce réchauffement, qui s’est intensifié depuis la révolution industrielle. Le dernier rapport du GIEC (2021) rappelle que l’activité humaine a réchauffé le climat à un rythme sans précédent depuis au moins 2000 ans.

Le constat de ces experts du climat est sans appel : cette rapide évolution du climat est sans aucun doute possible, liée à l’activité humaine. Cette activité humaine, débridée et excessive, s’illustre notamment par l’exploitation croissante des énergies fossiles, par le recours à une agriculture intensive, ou encore, par la destruction d’espaces naturels qui viennent diminuer les capacités d’absorption du CO2 des écosystèmes marins et terrestres tels que les océans ou les forêts. La liste n’est pas exhaustive.

Pour ce qui est des conséquences, le réchauffement climatique entraîne, par exemple, un renforcement des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes (vagues de chaleur, fortes précipitations, sécheresses, cyclones tropicaux, etc.) dans toutes les régions du monde. Celles-ci ne sont toutefois pas toutes affectées de manière homogène. Ces quelques conséquences entrainent et (entraineront) à leur tour, d’autres conséquences sociales, économiques, politiques, sanitaires…

Le changement climatique, un phénomène complexe

Le changement climatique est un phénomène complexe, tant dans ses caractéristiques (systémique, non linéaire, difficilement prévisible, hétérogène) que dans ses conséquences (environnementales, économiques, sociales, sociétales, politiques). Cette complexité a parfois tendance à le rendre flou et abstrait. Toutefois, le changement climatique est bien réel. Chaque organisation doit se saisir sérieusement du sujet en l’intégrant pleinement dans la manière de gérer son activité. Le risque qu’il représente est aujourd’hui globalement reconnu dans la sphère économique.

La lutte contre le changement climatique se joue, en outre, sur tous les fronts. Bien que les initiatives individuelles soient évidemment à encourager, la démarche est en grande partie une affaire collective dans laquelle les entreprises sont un maillon essentiel. L’implication de ces dernières – et notamment des PME représentant plus de 99 % des entreprises françaises – est donc particulièrement nécessaire.

Quels risques pour les entreprises ?

La lutte contre le changement climatique peut englober deux actions. D’une part, atténuer le changement climatique en réduisant rapidement et drastiquement nos émissions de GES, et d’autre part, s’adapter au changement climatique en mettant en place des mesures efficaces dans un contexte de changements environnementaux croissants. Au sein des entreprises, la compréhension et l’évaluation des risques et des vulnérabilités doivent contribuer à la mise en oeuvre de ces démarches.
Mais qu’en est-il de ces risques ? et quelles solutions ?

Les risques

Les risques physiques et matériels :

Ces derniers peuvent nuire à la santé et au bien-être général des salariés mais aussi mettre à mal les infrastructures nécessaires au maintien de l’activité (usine de production, entrepôt, bureau, réseau électrique et infrastructure de transport). Avec la multiplication des phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes comme les sécheresses, les vagues de chaleur, les inondations, les avalanches, les incendies de forêts ou les tempêtes, les collaborateurs comme les infrastructures sont à risque. Toucher à l’une des deux composantes indispensables de l’entreprise, c’est risquer une sévère perturbation de l’activité, voire un arrêt complet.

Une étude de l’Organisation Internationale du Travail (2019) a montré qu’au-delà de 30°C pour une activité sédentaire et de 28°C pour une activité nécessitant un effort physique, la chaleur peut être un risque pour la santé des salariés. L’étude précise également qu’à partir de 24/25°C, il fait trop chaud pour travailler à un rythme normal. Cette perte de productivité est notamment significative dans le secteur de la construction où elle peut aller jusqu’à 30 à 40 % pour une température de 30°C et devenir totale lorsque la barre des 40°C est atteinte.

Le risque réputationnel :

Un phénomène de « bashing » s’est installé progressivement et est, à présent, en mesure de nuire sévèrement à certaines entreprises qui iraient volontairement à l’encontre de la lutte contre le changement climatique. Si cela concerne avant tout les grandes entreprises et les collectivités, faisant l’objet d’un intérêt plus important de la part des médias et des réseaux sociaux, la tendance se poursuit partout et les attentes envers les plus petits acteurs se font graduellement sentir. Les PME sont donc de moins en moins épargnées, et les citoyens et associations n’hésitent plus à dénoncer l’inaction climatique de certaines entreprises, quelle que soit leur taille. Le risque réputationnel pèse donc même sur de petites entreprises opérant à l’échelle locale.

De plus, le business « as usual » qui consiste à ne rien changer, sans prendre aucune mesure de diminution de ses émissions, permet encore à certaines entreprises de passer entre les mailles du filet mais commence à être de plus en plus décrié. Agir contre ou ne pas agir revient finalement à la même chose. Seule une action réelle et sérieuse de réduction de son impact carbone semble en mesure de palier ce risque.

Le risque règlementaire :

Face à l’urgence, l’Etat et les collectivités s’activent pour encadrer l’action climatique et inciter tous les acteurs à prendre leurs responsabilités. Cela se traduit par une évolution rapide de la législation qui peut parfois mettre en difficulté les entreprises les plus fragiles. Les nouvelles obligations légales, et celles à venir, en matière d’émission de GES demandent en effet aux entreprises de mettre en oeuvre un certain nombre de moyens humains et financiers, qu’il convient d’anticiper. Par exemple, la loi de finances prévoit que toutes les entreprises de plus de 50 salariés ayant reçu une aide dans le cadre du Plan de Relance, devront publier un bilan simplifié de leurs émissions de GES avant le 31 décembre 2022 (même si ces dernières ne sont pas soumises à l’obligation de réaliser un Bilan GES selon le Code de l’environnement). Une veille permanente et, si nécessaire, un accompagnement par une entreprise spécialisée sur le sujet, est à envisager.

Risque de perdre des clients, de potentiels candidats ou des financements :

L’évolution actuelle des attentes de tous les acteurs (clients, fournisseurs, salariés, investisseurs, citoyens) peut avoir un impact direct sur les entreprises. En effet, les candidats, de plus en plus sensibilisés aux enjeux climatiques, ont tendance à se tourner vers des entreprises plus vertueuses. C’est notamment l’une des actions mise en avant dans le Manifeste Etudiant pour un Réveil Ecologique. De même, les attentes des clients en matière d’action climatique sont de plus en plus fortes. L’évaluation des fournisseurs sur leur niveau de contribution à l’atténuation du réchauffement climatique, est aujourd’hui une pratique courante de certaines entreprises, qui attendent un programme d’actions clair et des données chiffrées. En raison du manque de connaissances et de savoir faire sur le sujet du climat, les entreprises interrogées peuvent se trouver désemparées. Finalement, tous ces risques se traduiront par des risques financiers qui viendront mettre à mal la pérennité des entreprises, notamment les plus fragiles, parmi lesquelles on compte bon nombre de PME.

Première étape pour se lancer

La réalisation d’un bilan des émissions de GES est une première étape pour entrer en action. Celui-ci permettra de mieux suivre et piloter ses émissions de GES au fil du temps. C’est tout l’objet du bilan carbone® qui est une des méthodologies existantes pour réaliser l’exercice.

Concrètement, le bilan carbone vient décompter la quantité de GES émise sur une année en lien avec l’activité de l’entreprise. Il prend en compte les émissions sur toute la chaine de valeur. On retiendra donc les émissions allant des achats d’intrants et d’emballages de l’entreprise, jusqu’au émissions liées à l’utilisation du produit par le consommateur final, sans oublier les émissions liées à la fin de vie du produit. Parmi les émissions intermédiaires, on retrouve par exemple celles liées à la consommation d’énergie, celles liées aux déplacements (déplacements domicile/travail des collaborateurs, déplacements professionnels) ou encore celle liées aux immobilisations (surface de bureau et parc informatique).

Les questions à se poser sont nombreuses : quel périmètre de mon entreprise sera pris en compte dans l’exercice ? toute l’activité ou seulement une partie ? un site ou l’ensemble des sites ? quelle année ? etc. Ces questions vont avoir un impact sur la complexité à réaliser le bilan carbone notamment au niveau de la collecte de données. En effet, plus l’entreprise est grande, plus les données à collecter seront importantes. De même, à taille équivalente, une entreprise industrielle aura généralement plus de données à collecter qu’une société de services. A noter que toutes les données demandées sont des données d’activité généralement accessibles au sein des entreprises sous forme de quantités physiques comme des kWh d’électricité ou de gaz, des litres de gazole, des km parcourus, des tonnes de matières, des tonnes de déchets produits, le nombre d’ordinateurs portables, etc. Ces données d’activité sont ensuite multipliées par des facteurs d’émission (FE). Ces FE, issus de la base carbone de l’ADEME, donnent une indication sur la quantité moyenne de GES émise par la consommation de telle énergie, la production de tel bien ou de tel déchet, etc.

Le but du bilan carbone n’est donc pas d’avoir un décompte au gramme près des émissions de CO2 mais bien d’identifier les postes d’émission (déplacements, achats, énergie, etc.) les plus importants pour définir un plan d’action de réduction efficace. L’autre avantage inhérent à la démarche du bilan carbone est la sensibilisation des parties prenantes de l’entreprise. En réalisant un bilan carbone, les porteurs de projet acquièrent un bagage de connaissances essentiel au sujet des causes et conséquences du changement climatique, qui sera d’une aide précieuse pour l’implication de tous les acteurs de l’entreprise dans les phases de définition et de mise en oeuvre du plan d’action.

Toutefois, si la volonté de faire sa part se fait sentir chez certains dirigeants de PME, la moitié d’entre eux disent de pas disposer de moyens financiers suffisants pour transformer profondément leur modèle (Etude de la BPI, 2020) et se limitent donc à des actions de réduction de leur consommation de ressources (électricité, eau, papier) et des actions de recyclage de leurs déchets.
Pour pallier cet obstacle, un certain nombre de subventions existent notamment les aides issues du Plan de Relance et de son dispositif « Tremplin pour la transition écologique des PME » qui peut prendre en charge jusqu’à 80 % du montant de l’investissement. Ce dispositif, accessible sur le site de l’ADEME, peut notamment être utilisé pour la réalisation d’un bilan carbone et la définition d’une stratégie bas-carbone.

Conclusion

Au-delà de répondre aux impératifs d’une Terre moins chaude, entreprendre des démarches de réduction des émissions de GES est, pour les entreprises, une réelle opportunité de s’interroger sur la viabilité de leur modèle, dans un monde où le coût de l’énergie ne cesse d’augmenter et où les attentes de tous les acteurs évoluent. Les PME peuvent donc contribuer, à leur échelle, à l’effort collectif, d’autant que les soutiens, financiers notamment, se multiplient et rendent l’action possible. La compréhension du changement climatique, des risques qui en découlent et la mesure de leur propre empreinte carbone, doivent permettre aux entreprises de s’inscrire dans ce défi.

Adrien Marsault
Chargé de mission RSE, Baker Tilly STREGO
adrien.marsault@bakertillystrego.com

Sources : Travailler sur une planète plus chaude – L’impact du stress thermique sur la productivité du travail et le travail décent – OTI – 2019. Les dirigeants de PME-ETI face à l’urgence climatique – Etude BPI France – 2020. Résumé à l’intention des décideurs – extrait du rapport du groupe de travail I – GIEC – 2021.

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